« Si je m'aventure dans quelque chose de nouveau ou d'innovant, c'est toujours en
partant des racines. » Israël Galvan
-wrad est ce qui signifie, racine, branche. Rhiza en grec qui nous renvoie à rhizome
(tige souterraine remplie de réserve alimentaire). A l’ouverture de leur livre Mille
Plateaux, Deleuze et Guattari écrivent : « (…) à la différence des arbres ou de leurs
racines, le rhizome connecte un point quelconque avec un autre point quelconque,
et chacun de ses traits ne renvoie pas nécessairement à des traits de même nature,
il met en jeu des signes très différents et même des états de non-signes. »1
Que seraient ces racines connectées de la création ? Ces lignes déterritorialisées
qui se métamorphosent ? Créer, c’est alors se déplacer ailleurs mais dont les lignes
de force s’inscrivent dans ce sol connecté de point en point. N’est ce pas alors par
le travail de création que l’artiste explore les lignes identitaires qui le composent ?
Ce colloque s’inscrira dans un moment jazz puisque la Maison de la Culture
d’Amiens organise son Festival Tendance Jazz. Dès lors, nous proposons de nous
pencher sur les racines qui font jazz, ce jazz qui fait racines.
Le jazz, musique de déracinés, est-il pour autant une musique déracinée ? Dans
ses structures (forme « call and response »), comme dans son acte (l’improvisation,
qui jamais seule ne se fait), jazzer implique de plonger dans l’Autre, tâtonnant et
frayant à coup de notes, d’histoires, de sons, et de corps, à la recherche d’une origine
sans cesse manquante. Ces tâtonnements, par lesquels les corps également
se redressent, se déploient et s’affranchissent en danse, peuvent-ils être compris
comme autant de racines en mouvement ? Ces racines de jazz permettraient alors
aux musiciens et à leurs auditeurs de ne jamais s’enfermer dans l’enclave d’une
définition, retournant l’interrogation jusqu’au mot même « jazz ».
Jazz comme paradigme d’un tissage de temporalités diverses, présent réminiscent,
passé qui ne passe pas, propulsion, accélération vers un ailleurs, espace
intermédiaire de je(u) entre construction et dé-construction.